L’idée d’écrire sur la juste qualité m’est venue en cherchant un sens à tous les efforts que nous déployons tous les jours dans l’amélioration des services aux clients.
Comme pour le client nous ne ferons jamais assez, et comme pour l’entreprise ce sera toujours trop cher, comment trouver le point d’équilibre dans la qualité délivrée ?
J’ai choisi de partir d’une page blanche, et vous invite à faire de même, pour regarder autrement la Relation Client, en mettant en veilleuse le savoir et l’expérience qui finissent par embrumer notre capacité d’analyse.
Commençons par définir la juste qualité, nous regarderons ensuite comment l’atteindre, et identifierons la mission et le champ d’actions revenant à une Direction de la Relation Clients.
Comment définir la juste qualité ?
Plus la concurrence est accrue sur un secteur d’activité, plus on tend à parler de qualité. Le domaine des télécommunications ou du transport en sont des illustrations parfaites : quel client se serait extasié il y a quinze ans en observant qu’il n’avait pas de coupure téléphonique sur sa ligne ? Quel client aurait fait remarquer qu’il avait dû rentrer de Venise en train, parce que l’avion était purement annulé et qu’aucun contact n’était possible avec la compagnie aérienne ?
En situation de monopole, la comparaison n’est pas possible, et au-delà d’un jugement de valeur, apprécier la juste qualité de la prestation est un exercice relevant de l’impossible. La concurrence aidant, la différentiation s’organise, tant sur le prix que la qualité des produits et services. Il devient possible de porter une appréciation. Retenons de cette courte démonstration le message suivant : « la qualité ne se perçoit que si nous sommes capables de comparer ».
L’évolution fulgurante des outils de communication et du partage de l’information sur Internet donnent aujourd’hui aux consommateurs le pouvoir de donner de la voix. L’explosion des réseaux sociaux crée un contre-pouvoir qui tend à parler davantage de la non-qualité, plus que de la qualité !
Certes, il est de coutume de rappeler qu’une personne insatisfaite en parle à six autres, tandis qu’il faudrait plus de trois personnes satisfaites pour en parler à une autre. Mais ce que nous oublions le plus souvent, c’est le fait que la majorité des clients insatisfaits ne manifestent pas leur mécontentement, et choisissent à terme de vous quitter sans que vous en connaissiez les raisons.
Fort de constat, je me pose la question suivante : doit-on améliorer la qualité ou corriger la non-qualité ?
L’image qui me vient à l’esprit pour illustrer la qualité est celle d’une échelle pointée vers le ciel, où à chaque échelon gravi, nous n’en voyons jamais la fin. Il est bien difficile dans ces conditions de viser juste pour servir le client : sans repères, nous risquons d’investir du temps et de l’argent sans impact final sur le consommateur.
A contrario, je me représente la non-qualité comme une liste de courses à cocher pour améliorer le service au client. Nous avons l’avantage d’avoir des repères, avec une non-qualité identifiable, parce que génératrice d’insatisfaction, de mécontentement, voire de résiliation. Cette approche est valable quel que soit le secteur d’activité, et s’applique autant au low cost qu’au haut de gamme.
Dans ces conditions, éliminer la non-qualité est certainement le meilleur chemin pour conduire à la juste qualité. Mais quand faut-il s’arrêter ? La juste qualité doit répondre à trois conditions qui dessinent une courbe en forme de U, dont la formule mathématique ne sera pas révélée ici pour laisser libre cours à votre inspiration.
La qualité sera juste, si elle répond aux obligations réglementaires, s’inspire des meilleures pratiques du marché en matière de management de la relation client, et correspond au prix payé par le consommateur pour avoir ce niveau de service. Cette équation vous amènera à la juste qualité, et s’auto ajustera au fur et à mesure que vous corrigerez les non-qualités.
Quelle optique retenir pour atteindre la juste qualité ?
Si atteindre la juste qualité passe par le traitement des non-qualités, où les trouver et comment être sûr de les avoir toutes identifiées ?
La non-qualité sanctionnée par le client est parfaitement identifiable, mais elle est uniquement la face émergée d’un iceberg dont la base est constituée de toutes les non-qualités masquées dans l’entreprise.
Prenons l’image d’un service facturation qui fait une erreur dans l’édition des factures ; les entendez-vous d’ici se dire :
« Ne nous inquiétons pas, le service client s’en chargera ! » ? Voici comment l’histoire commence souvent, avec un service client en bout de chaîne qui prend de plein fouet les contacts de clients désorientés ou mécontents.
Remonter la filière jusqu’aux non-qualités masquées demande transparence et coordination dans l’entreprise, pour pouvoir corriger non seulement les effets d’une non-qualité mais atteindre aussi la cause du dysfonctionnement et l’éliminer.
Choisir ou non de traiter les non-qualités nécessite de savoir ce que nous perdons à ne rien faire et ce que nous gagnerions à faire autrement. Le retour sur investissement se traduira de deux manières, soit par un gain dans le coût de production et de service, soit en création de valeur par rapport à une satisfaction consommateur augmentée.
A ce stade dans le domaine de la relation client, des indicateurs sont indispensables et doivent être positionnés aux étapes clés des parcours clients et des processus, pour assurer le repérage et le suivi des non qualités. Les approches Lean et 6Sigma, les certifications de moyens et de résultats tels ISO et NF Service, sont autant d’outils mis à notre disposition pour décider des améliorations à apporter dans une optique d’efficacité et de satisfaction client. Vous connaissez certainement la roue de Deming, référence des qualiticiens, pour illustrer l’amélioration continue. Dans les illustrations, cette roue est souvent représentée sur une pente, maintenue avec une cale. Je n’adhère pas à cette représentation qui, loin d’être rassurante, m’inquiète en imaginant ce qui arriverait si la cale était retirée ! Je préfère de loin l’image du train à crémaillère qui permet de franchir des pentes fortes, en progressant sur un rail cranté, sans possibilité de recul.
Ancrer la progression vers la juste qualité revient à mettre en place une vigie permanente, fondée sur le suivi des indicateurs, et la vérification d’un non-dépassement des seuils de référence. Tout dépassement doit se traduire en alerte et déclencher une analyse de cause qui permettra de caractériser la situation de non-qualité et décider des actions à entreprendre. Aussi efficaces soient les indicateurs mis en place, il est essentiel de vérifier à intervalles réguliers l’écart entre la qualité rendue et la qualité perçue ; de nombreux outils existent tels le Net Promoter Score (NPS), le baromètre des réclamations, les enquêtes de satisfaction, et les outils de remontée de la voix du client1.
Plus efficace encore serait d’inviter vos clients au comité de Direction ! Loin d’être une boutade, c’est un rappel que le
client doit être associé aux décisions qui le concernent. Bill Price, mon collègue Limebridge aux Etats-Unis, était précédemment Directeur du Service Client Amazon, et il me parle souvent de cette place laissée libre au comité de Direction présidé par Jeff Bezos qui rappelait ainsi à ses proches collaborateurs que, même absent, le client devait être au cœur des attentions.
Quel est le rôle de la Relation Client dans la délivrance de la juste qualité ?
Aux points de contact tous les jours, les clients remontent explicitement ou implicitement les non-qualités auxquelles ils font face. Par point de contact, j’entends les points de vente, l’Internet et les centres de contacts, mais aussi les équipes de terrain.
Le mode multicanal est une opportunité dans la remontée des non-qualités, et il est essentiel de l’exploiter à fond. Face à un client, comment passer du haussement d’épaule et d’un commentaire désabusé du collaborateur quant à l’incapacité de l’entreprise à mieux faire, à la prise en compte de la remontée et son intégration dans le dispositif d’amélioration continue ?
Pour la Direction de la Relation Client, l’enjeu revient à évoluer d’un rôle uniquement correctif à un rôle étendu au préventif. Cette mutation n’est pas évidente, car elle exige des Services Clients d’être reconnus en interne pour leur efficacité, et d’avoir la légitimité à remonter les dysfonctionnements détectés.
La légitimité de la Direction de la Relation Client s’acquiert par la démonstration, vis-à-vis des clients et de l’interne, d’un fonctionnement maîtrisé piloté avec une obligation de résultats. Les certifications de service constituent aujourd’hui un levier important pour prouver la délivrance d’un service client de qualité, en le faisant contrôler par un tiers; d’autres pistes existent, et à ce titre, le contrat de confiance de Darty pour un monde « plus sûr » est un succès incontestable. Une fois la confiance installée, les centres de Relation Client deviennent un outil formidable pour remonter les dysfonctionnements, car jour après jour, ils ont la capacité à tracer les motifs de contacts selon les mots du client.
Dans le temps, le suivi statistique des raisons de contact permet de suivre les améliorations, et de valider l’efficacité des actions engagées. Testez ce format de tableau de bord auprès de votre comité de direction, et vous constaterez rapidement qu’ils se l’approprieront. Pour le conseiller clientèle, c’est une réelle opportunité de voir autrement son métier, et d’être acteur de la transformation, plutôt que spectateur face aux difficultés rencontrées par le consommateur.
Partir de la juste qualité donne un sens à son action, et lui confère une mission d’ambassadeur conditionnée au respect de trois principes :
- Il lui faut connaître la politique qualité et sa mission personnelle dans le management de la relation client
- Il doit être conscient d’être à ce poste parce que le client est fidèle, et qu’il nous revient de lui prêter l’attention qu’il mérite
- Il lui faut être reconnu dans l’entreprise comme ayant un rôle qui compte pour tous au point de contact.
Alors allons-nous vers un monde de juste qualité ?
Trouver le point d’équilibre dans la qualité de notre relation avec les clients relève de l’alchimie. La formule trouve ses racines au cœur de l’entreprise, de la Direction jusqu’au collaborateur dans les services. Nous en connaissons fort heureusement les ingrédients, mais la clé réside dans leur dosage et leur assemblage.
En partant d’une page blanche au début de cet article, c’est à un voyage que je vous ai invité. Il nous a mené du consommateur toujours plus acteur avec Internet, à l’entreprise pilotée par les indicateurs clients pour une transformation continue créatrice de valeur. Viser la juste qualité est une quête dont la progression s’apprécie chaque jour, et éliminer les non-qualités est certainement le meilleur message à adresser au marché pour y parvenir. Alors oui, atteindre la justequalité, c’est possible !